Projection du film Le Regard de Georges Brassens, de Sandrine Dumarais dimanche 28 octobre 2018 à 14 heures 30 au Moulin de Blanchardeau

Evènement à Lanvollon !

Projection du film Le Regard de Georges Brassens, de Sandrine Dumarais, en présence de la cinéaste, au Moulin de Blanchardeau.

Au XVIIème siècle, une riche aristocrate lettrée, Madame de la Sablière, hébergeait, en pourvoyant à tous ses besoins matériels, à une époque où les droits d’auteur n’existaient pas encore un poète déjà célèbre dans les milieux cultivés de la capitale, Jean de la Fontaine, qui vécut chez elle pendant plus de vingt ans.

Au début du XXème siècle, juste avant la Guerre de 1914-18, une humble couturière native de Lanvollon « montait » à Paris, comme beaucoup de Bretonnes pauvres de cette époque, que caricaturait le célèbre personnage de Bécassine. Une grande partie de sa famille habite toujours entre Tressignaux et Ploubazlanec, son nom est bien connu de nos concitoyens : il s’agit de Jeanne Le Bonniec.

Qu’y a-t-il de commun entre ces deux femmes d’origines sociales et géographiques si opposées ? La première est passée à la postérité pour avoir été l’hôtesse de l’auteur des Fables ; elle a droit de figurer dans les manuels de littérature de lycée, on la trouve même dans le prestigieux Robert des noms propres. La seconde n’a pas droit à tous ses honneurs ; pourtant, elle fut aussi l’hôtesse, pendant plus de vingt ans également, d’un grand nom de la culture française, quoiqu’il ne prétendît lui-même n’être qu’un « humble troubadour » ; vous avez compris bien sûr que c’était Georges Brassens. Elle eut en outre le mérite d’accueillir non pas un poète déjà reconnu –l’hospitalité, dans ces cas-là, est toujours très flatteuse pour celui ou celle qui l’accorde- ; elle hébergea, de 1944 à 1967, un Jeune Sétois sans le sou, qui devint certes riche et célèbre, à la suite de sa rencontre avec Patachou, en 1951,mais qui, pendant les sept premières années de son long séjour chez elle, était complètement inconnu et ne faisait qu’ajouter sa propre misère à celle du couple qu’elle formait avec Marcel Planche, qui inspirera la « Chanson pour l’Auvergnat ». Comment s’était-il retrouvé dans ce merveilleux taudis de l’Impasse Florimont, à Paris ? Il vivait chez sa tante maternelle, Rue d’Alésia, depuis février 1940, mais, pour échapper au Service du Travail Obligatoire, où il avait déjà passé un an, il eut l’idée de se réfugier chez la couturière de sa tante, notre fameuse Jeanne, pour éviter des ennuis avec la police à la première. Il y resta vingt-trois ans ! Il est déjà étonnant qu’il ait continué à y vivre après la fin de l’Occupation allemande, mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que, découvrant le succès et l’argent, en 1951, alors qu’il avait désormais les moyens d’avoir son propre logement, il ait souhaité garder cette maison comme sa résidence principale pendant encore 16 ans !

Le film nous montrera la période de Brassens, avant la célébrité, quand seule Jeanne Le Bonniec et ses copains de Sète croyaient en son talent. A travers Georges Brassens, c’est aussi un hommage à Jeanne qui sera rendu, à cette modeste prolétaire à qui il donna le prestige d’une riche aristocrate lettrée, à la dédicataire anonyme de ce magnifique hymne à l’hospitalité :

 

La Jeanne, la Jeanne

Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie

Mais le peu qu’on y trouve assouvit pour la vie

Par la façon qu’elle le donne

Son pain ressemble à du gâteau

Et son eau à du vin comme deux gouttes d’eau […]

 

Après la projection du film, un temps d’échange avec la cinéaste permettra aux amoureux de Brassens, à ceux qui l’ont croisé à Lanvollon, Paimpol ou Lézardrieux, ou aux plus jeunes- car les grands artistes appartiennent à toutes les générations- de prolonger chaleureusement l’après-midi.